En Guinée.... Suite
Autour de Guinée Solidarité: chez Nadine Bari
Sur la terrasse, Nadine, Jeanne et Binta la couturière.
Nadine Bari est une véritable icône à Conakry.
De double nationalité, franco-guinéenne, juriste internationale, veuve d'Abdoulaye Barry, supplicié sous Sékou Touré, elle a consacré sa vie à retrouver le corps de son mari et à témoigner sur les atrocités commises par ce régime. Fondatrice de Guinée Solidarité, elle continue son combat par la plume et la parole. Elle est membre active de l'Association des victimes du camp Boiro. Elle partage sa vie entre la France et la Guinée.
Hier encore, je t'espérais toujours.
Dans le jardin, le tombeau d'Abdoulaye Barry ( 1936-1972) abrite ce qui reste du mari de Nadine, torturé puis assassiné par les sbires de Sékou Touré près de Tokonou.
La figure éternellement souriante du jeune économiste brillant, rentré en Guinée à l'indépendance de son pays pour se mettre au service de son peuple, plane sur l'âme de la maison.
Lever de soleil sur le jardin
Un jardin tropical bien accueillant pour les hôtes de passage.
Deux cases traditionnelles du Fouta ont été construites dans le jardin: l'une des deux abrite un atelier de peintre. Il s'appelle Ibrahim Barry, il est borgne.
Ses tableaux sont splendides.
Le jardin accueille aussi un basse cour. Un coq y trône et parade devant les poules.
Godfrid le cuisinier sera peu sensible à son altière allure quand il le mettra pour nous à la casserole.
Un des magnifiques objets africains qui peuplent la maison.
Binta la couturière, notre élégante messagère. Elle habite Bambeto, le quartier le plus chaud de Conakry où l'on tire sur les enfants.
Elle revient de l'enterrement de son jeune voisin. Vingt ans: abattu par l'armée alors qu'il jouait au foot.
Manifestation des familles des victimes du camp Boiro
Tous les ans depuis 10 ans, l'Association des Victimes du camp Boiro, manifeste pour rappeler le souvenir des victimes de la répression sauvage de Sékou Touré à l'encontre des présumés ennemis de la Guinée. Le Camp Boiro et ses annexes est resté célèbre pour le nombre de disparus et pour la cruauté des traitements subis.
Le plus célèbre et le plus répandu étant la "diète noire" qui consistait à priver de nourriture et d'eau les prisonniers enfermés dans des geôles de fer. 40.000 personnes de toutes catégories sociales auraient été tuées pendant les 26 ans de règne du dictateur.
Jusqu'à cette année, la manifestation pacifique passait par le "Pont des Pendus" pour s'arrêter à la caserne qui abrita le Camp Boiro. Elle se terminait dans l'enceinte du bâtiment militaire par la prière aux morts et le sacrifice d'un boeuf selon la tradition musulmane.
Cette année un barrage de militaires en interdit l'accès.
Un halte en mémoire des disparus devant le Pont des pendus.
A l'entrée du camp l'armée fait barrage
La manifestation regroupant 300 personnes, est arrêtée par l'armée devant le camp.
Les familles pleurent leur mort.
Qui pourtant aurait pu penser qu'un tel regroupement mené par un orchestre aussi joyeux pût représenter un danger si important pour la Démocratie?
Sur le parcours, un enfant salue.
L'espoir : ceux qui croient en leur pays.
Au Petit Musée
Les mousquetaires.
Thierno, Alpha, Thiam, Hamadi.
Les jeunes artistes du Petit Musée. Ils sont cinéastes, sculpteurs, peintres.
Ils se battent , dénoncent et cherchent une nouvelle voie pour la Guinée.
Thiam, inlassablement, déploie les fils de sa protestation dans d'immenses structures en toiles d'araignées, tissées de détritus en plastique ramassés sur les plages.
Obstinément, ils dénoncent les fléaux du pays: la malgouvernance, la corruption, la pollution, la migration illégale qui nourrit le trafic humain et la désespérance.
Le Cirque Tinafan
Le Cirque Tinafan est éblouissant. Il recueille les jeunes orphelins et les enfants des rues qu'il entraine pour leur permettre d'intégrer les plus grands cirques du monde, comme le Cirque du Soleil
Dans un hangar, une centaine de jeunes , acrobates, musiciens, danseurs, évoluent avec une passion communicative.
Les regards traduisent la force qui les habite..
Leur prochain spectacle sera consacré aux dangers de l'émigration illégale.
Un spectacle itinérant portera le message auprès des familles: trop de morts, trop de trafic, trop de malheurs. Il planteront leur chapiteaux aux coins les plus chauds des départs des jeunes: Mamou, Mali, Conakry.
Des enjeux: la culture et la scolarité pour les enfants
Un peu plus d'un enfant sur deux est scolarisé en primaire. La scolarisation des filles est un vrai défi.
Aperçu du Lycée Kofi Anan après la projection du film Nô Mëtî Sifadhe de Thierno Souleyman Diallo sur la migration et la vie en France de MNA.
Beaucoup cherchent à partir pour échapper au manque de perspectives.. Beaucoup rêvent d'une Europe idéalisée.
Dans le même temps d'autres refusent "le marché de la honte" qui leur fait quitter une "souffrance pour une autre souffrance"
Les jeunes filles tiennent à montrer leur fierté de poursuivre leurs études.
Là comme ailleurs, elles sont les meilleures et pourtant seule la moitié d'entre elles, est scolarisée.
Cette petite fille ne franchira pas le cercle de la cour, trop pauvre pour rejoindre les autres!
Slam: L e t t r e d ' u n Mi g r a n t
Partir, partir ,partir loin de mon pays
Partir loin de ma famille et de sa joie
Partir pour fuir la misère qui fait la loi
Partir pour ne plus avoir faim
Partir pour que mes objectifs d'être riche soient atteints
Partir loin de la joie et de l'humour des amis
Partir sans choix car l'Occident m'appelle jour et nuit
Partir encore, pour ne plus être traité de vaut rien parmi les miens
Alors je pars à mes risques et péril
Fuyant ma Guinée et sa terre fertile
Et son gouvernement incapable de nous nourrir
Je pars loin de mes maux pour revenir un jour riche et avec vous je vais rire.
Maman, petite soeur ira à l'école, car en Europe, j'aurai beaucoup d'argent
Je vais construire notre maison
Je suis votre fille, fils je brillerai comme un diamant
Maman ne pleure pas l'Europe c'est tout près je traverse le désert et la mer
Je viendrai pour nous sauver mère
Voilà au milieu du désert j'ai eu soif
J'ai perdu deux amis en cours de route
D'autres en ont perdu des centaines
J'ai vu des garçons et filles se faire violer
Des cadavres jetés dans le désert comme des plastiques dans les poubelles de Conakry.
Alors je crie, par mes écrits
Ma Guinée me manque, pire est de me faire torturer par un africain!
Dans la méditerranée, l'Occident ouvre la chasse au peuple noir!
Nous mourons gratuitement sans justice!
On n’aime pas aller se faire tuer chez eux, mais on a faim et on veut vivre bien
J'ai connu les pires douleurs dans mon aventure
J'aurais voulu aider ma famille de la pauvreté
Mais la mer m'a volé ma vitalité
Je n'ai que mon stylo pour écrire cette lettre
A ma chère famille depuis la Guinée
Dites à ma mère que je l'aimais
Mais l'aventure a mal tourné,
Le chemin de l'Occident m'a enlevé ma vie, mon bonheur, mon sens de l'humour
J'ai votre visage gravé dans mon âme à jamais par amour
Dites aux Jeunes que la meilleure maison, c'est chez toi!
Et que toutes les richesses se trouvent sous notre toit
Il faut prendre conscience et avoir une grande confiance en soi
Dites à mes amis que je les aime ,
Svp restons chez nous, travaillons car notre nation en a besoin
Partir, Partir, loin de cette vie de misère
Partir pour ne pas voir petite soeur enceinte à l'âge de 14 ans parce qu'elle a faim
Partir pour avoir un bonheur éphémère
Ne faites pas ça car ça m'a coûté la vie
Et je ne peux plus voir ma mère
Restons sur notre terre pour un avenir meilleur.
Texte slamé par Salif,
Conakry au CIRD, janvier 2020